Patriarche Youssef

Lettre de Noël 2016

15 12 2016
  
Lettre de Noël 2016
 
 
 
Gregorios III, par la grâce de Dieu
Patriarche d'Antioche et de tout l'Orient, d'Alexandrie et de Jérusalem:
Que la grâce divine et la bénédiction apostolique embrassent mes frères les Hiérarques membres du Saint-Synode, ainsi que le pieux clergé et tous les fidèles laïcs de notre Eglise
Grecque-Melkite Catholique
 
 
Le Christ est né en Palestine,
Le christianisme est né en Syrie
 
      Ces deux expressions résument les significations les plus sublimes de la glorieuse fête de Noël. L’existence de Jésus est liée à l’existence du christianisme. Et l’existence du christianisme est liée à sa relation avec Jésus. Pas de christianisme sans Jésus-Christ. Pas de Jésus sans le christianisme, sans les chrétiens, sans leur présence, leur rôle, leur témoignage dans le monde, surtout dans cet Orient où est né Jésus.
       Aujourd’hui la présence chrétienne est menacée au Proche-Orient, berceau du christianisme. Menacée à cause des guerres qui causent cet exode terrifiant, surtout des chrétiens. C’est ce que nous constatons surtout en Palestine, en Syrie, en Irak, au Liban, en Jordanie, en Egypte... ces pays qui représentent le noyau de la présence chrétienne dans le monde arabe, dans notre cher Orient.
       La préservation de cette présence est une responsabilité commune de tous les chrétiens, de toutes les communautés. De même que c’est la responsabilité des pays arabes de préserver le christianisme, qui est un patrimoine des plus importants de la région. Nous prenons soin des antiquités,  des pierres, des anciens temples de Baalbek, de Palmyre... Or c’est beaucoup plus important, aujourd’hui, de s’occuper des pierres vivantes, de la présence chrétienne.
       Le musulman est responsable de la présence chrétienne, car le chrétien a excellé dans le service de ses patries orientales arabes au cours de toute l’histoire, avant l’Islam et avec l’Islam. Ainsi, on peut considérer que les fruits de Noël, de l’Incarnation sont bien dans la présence chrétienne et le rôle des chrétiens.
       Nous avons là un modèle unique du rôle chrétien et de l’interaction entre christianisme et Islam. En effet, la présence chrétienne s’est manifestée d’une manière éclatante dans le circuit de la culture et de la civilisation du bassin de la Mer Méditerranée. Voici une description de ce circuit culturel unique, dans ses étapes les plus saillantes:
 
Première étape
 
       Les Pères de l’Eglise grecque, Basile, Grégoire, Athanase, Cyrille, Jean Chrysostome, etc., ont tous puisé à la culture grecque hellène qui s’était répandue dans la région à partir d’Athènes. Les Pères de l’Eglise l’avaient étudiée et ont eu contact avec toutes les branches de la culture grecque: philosophie, astronomie, architecture, algèbre, médecine...
 
Deuxième étape
 
       Les Pères de l’Eglise ont développé cette culture, l’ont adoptée et l’ont adaptée à partir de leur foi chrétienne, des enseignements de la Bible et de l’Evangile. On peut dire qu’ils ont baptisé la culture, la philosophie et la littérature grecques. Ils les ont christianisées, les ont rendues chrétiennes. La naissance de Jésus-Christ est l’incarnation de cette civilisation orientale si diversifiée. C’est ce que nous avons hérité des Pères de l’Eglise, surtout des Pères grecs. Leurs écrits remplissent les bibliothèques du monde jusqu’à nos jours.
Troisième étape
 
       Avec l’apparition de l’Islam et son arrivée dans la région, venant de la Péninsule Arabique, et sur la base de l’interaction entre l’Islam et le christianisme par différents moyens, dont les guerres, l’échange culturel de grande envergure, avec la propagation de la langue arabe dans la région, a commencé le processus des traductions, surtout du grec. Cela a été réalisé avec l’aide des savants chrétiens, bons connaisseurs de la langue grecque, qui était leur langue quotidienne, la langue de leurs prières et de leurs rites, qu’ils célébraient en grec et en syriaque, et plus tard en arabe, en plus du copte et de l’arménien. Tout cela est vraiment l’œuvre de la naissance de Jésus et de l’incarnation des valeurs de Noël.
       Ainsi les chrétiens ont transmis la culture et la civilisation grecques en arabe à la société musulmane. Cela devint la base du Fikh et de la philisophie musulmane, et des sciences de l’astronomie, de la médecine et autres...
 
Quatrième étape
 
       A cause des différends entre les califes musulmans, les musulmans se sont orientés vers le Nord de l’Afrique et sont arrivés en Andalousie, en Espagne. Là, un califat et un Etat musulman furent fondés. La langue arabe a influencé les langues locales, surtout celles dérivées du latin, qui était la langue de la culture et de la science en Europe. Il y eut une interaction entre les deux cultures, musulmane et chrétienne. Ici, on constate encore une fois l’influence des valeurs de Noël et de l’Incarnation de Jésus.
Cinquième étape
 
       Les fruits de cette interaction sont dans le fait que les livres des philosophes musulmans traitant de philosophie et Fikh furent traduits en latin, langue de l’Europe de ce temps-là, malgré l’apparition des langues locales. A travers ces traductions, la culture grecque hellène est passée en Europe, chez les grands théologiens de l’Europe chrétienne à travers ou par le moyen des chrétiens de l’Orient, par le biais des saints Pères de l’Eglise orientale, et par le moyen des savants et philosophes arabes, comme Averroès, Avicenne et d’autres, Dans les écrits du grand docteur de l’Eglise latine Saint Thomas d’Aquin, nous trouvons des citations de la philosophie grecque à travers les écrivains arabes. Là aussi, on constate comme si l’Incarnation et Noël s’étaient déplacés de l’Orient vers l’Occident.
       On ne doit pas ignorer aussi l’influence des savants juifs dans cette interaction multiple: grecque, païenne, chrétienne, syrienne, arabe, juive, musulmane et occidentale...
       C’est vraiment un circuit superbe et une interaction unique entre le paganisme, le judaïsme, le christianisme et l’Islam. C’est un vrai circuit de Noël, local et mondial à la fois. Et tout cela s’est passé dans le bassin de la Mer Méditerranée. Le christianisme oriuental a joué le plus grand rôle dans ce circuit culturel mondial unique.
 
Le rôle des chrétiens d’Orient
 
       On doit confesser et reconnaître ce fait, qui est l’existence du christianisme et son rôle très distingué dans tous les pays arabes. Le christianisme est la continuation de Noël et des effets de l’Incarnation de Jésus-Christ sur notre terre sainte. Et cela est le mérite de nos Pères, qui ont répandu la foi en Jésus dans toutes les régions: en Orient et ses confins et en Occident et ses confins.
 
       Le christianisme s’est répandu dans la Péninsule Arabique, au Qatar, au Bahrein, en Arabie (aujourd’hui Séoudite), au Koweit... en Chine et en Inde.
       Cela veut dire qu’il y avait des religieux, des religieuses, des prêtres, des évêques, et une activité intellectuelle, des écoles, des institutions, des églises, ... qui ont participé et continuent à participer à l’évolution de ces pays, économiquement, socialement, culturellement et en constructions. C’est l’action des chrétiens, nos pères et nos ancêtres dans l’histoire. C’est là une preuve de la vitalité du christianisme, même face aux tragédies et aux avaries. L’Eglise est bien celle qu’a décrite Jésus en disant: “Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle”.
 
Nous sommes d’une même souche
 
       La leçon qu’on doit tirer  du fait de la disparition de l’ancien christianisme de la Péninsule Arabique ne doit pas être l’amertume, ni la haine, ni l’aversion, ni l’éloignement, malgré tout, malgré les persécutions des musulmans contre les chrétiens dans différentes étapes, surtout au temps de quelques califes et gouverneurs. Malgré cela, les chrétiens et les musulmans sont restés ensemble dans les mêmes régions. De plus, beaucoup de musulmans que je connais personnellement confessent ouvertement qu’ils sont d’origine chrétienne, en Syrie, au Liban, à Jérusalem. Leurs ancêtres étaient chrétiens!
       Cela veut dire que nous sommes d’une même souche, d’une même famille. En effet, on sait bien que le christianisme est resté majoritaire en Orient jusqu’au treizième siècle. Ainsi, on constate que Noël est présent dans la société musulmane par ses valeurs et son influence.
 
Un document historique
 
       Nous devons continuer cette marche ensemble, et laisser de la place au pardon, à l’indulgence, à la miséricorde. C’est à cela que nous appelle la “Déclaration sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes” (Nostra Ætate), promulguée par le Concile Vatican II il y a cinquante ans (1965). Il faut reconnaître que le mérite de la publication de ce document est dû aux Orientaux, et à leur tête les Patriarches orientaux, surtout le héros de Vatican II, le Patriarche Maximos IV. J’ai présenté ce document dans un écrit portant ce titre: “Lettre d’un Patriarche arabe chrétien à ses frères musulmans”, puis le 4 juin 2016 à l’Opéra de Damas. On trouve dans ce document des éléments magnifiques en matière d’ouverture, de respect, de considération. J’en cite ici un passage se rapportant à l’Islam.
 
Regard chrétien sur l’Islam
 
       “L’Eglise regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux décrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu’ils ne reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l’invoquent avec piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeûne.
       “Si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte tous à oublier le passé et à s’efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté” (Nostra Ætate, nº 3).
 
Découvrir les valeurs de notre foi: les valeurs de Noël
 
       Dans cette situation de guerre d’hier et d’aujourd’hui, ça et là, nous avons une grande responsabilité. Nous devons découvrir les valeurs de notre foi chrétienne, celles de Noël; de même, nos frères musulmans ont besoin de découvrir les valeurs de leur foi, pour faire face ensemble au dicton latin, qui ne s’adresse ni aux chrétiens, ni aux musulmans, ni à tel ou tel, ni à tel ou tel peuple, mais à tout homme, à tout être humain, sans connotation de sa religion, de son genre, de sa couleur, de son ethnie: “Homo homini lupus”.
       De plus, en considérant les différentes réalités de l’histoire, dans leurs aspects positifs autant que négatifs, nous devons découvrir ensemble que notre avenir en Orient est un. Nous devons construire ensemble un avenir meilleur pour nos futures jeunes générations.
       La leçon à tirer de tout cela et que c’est plus que jamais le temps d’œuvrer ensemble pour cet avenir commun, surtout à l’ère de la globalisation et devant la vague de l’émigration dans nos pays arabes, surtout des musulmans vers l’Europe. Cette émigration est très dangereuse pour les musulmans et pour les chrétiens. Elle peut faire éclater des luttes sanglantes et des guerres civiles, et attiser les sentiments anti-chrétiens et anti-musulmans, l’islamophobie.
 
       C’est ce que nous constatons en Europe actuellement: les attaques meurtrières à Paris et à Bruxelles, les manifestations et les incendies dans les camps de réfugiés en Allemagne, l’hostilité déclarée pour l’accueil des réfugiés en Suède, ...
 
En route ensemble: la marche de Noël
 
       Il est temps de mettre en pratique l’appel lancé par les Patriarches orientaux catholiques en 1994: “Ensemble en chemin! Ensemble musulmans et chrétiens en route!”
       Il est d’une très grande importance encore que les associations et institutions chrétiennes, éducatives, culturelles, de santé et sociales, continuent leur mission aujourd’hui, comme ce fut dans l’histoire, la mission de Noël.
       L’Orient, berceau du christianisme, est le lieu privilégié pour le dialogue, l’interaction, l’accord, l’enrichissement mutuel. C’est notre histoire, notre patrimoine, notre richesse, malgré nos différends, nos tragédies, nos martyrs. Maintenant et ici, en Orient, nous pouvons et nous devons préserver ce patrimoine si riche. C’est le vrai patrimoine de Noël, qui s’incarne dans la vie de l’Eglise dans la société.
       En dehors de nos terres saintes, il est beaucoup plus difficile de vivre cet héritage qui est spécial pour chacun de nous et commun entre nous. Notre responsabilité commune est de préserver cet héritage ici, maintenant et pour l’avenir. En toute humilité, nous pouvons dire que nous sommes les maîtres du “vivre ensemble”. C’est ici que nous pouvons réaliser ce que le Pape François a dit aux jeunes chrétiens, à savoir que nous devons préserver notre identité et être ouverts à l’autre, à son identité, sa foi, sa croyance, son mode de vie...
Noël: identité et ouverture
 
       Identité sans ouverture, sans coopération, interaction, respect mutuel, reconnaissance et acceptation de l’autre et de sa personne (religion, droits, croyance), cela veut dire ghetto, isolement, ce qui engendre la peur, l’hostilité, et même la violence, la terreur, la guerre... De même, ouverture sans identité veut dire vide, absence de personnalité, de dignité et de droits. A tout cela nous invite Noël.
       Nous avons expérimenté tout cela à travers notre longue et commune histoire, malgré ses tragédies, ses calamités et ses crises dans les relations entre les citoyens des différentes communautés, chrétiennes et musulmanes. Quoi qu’il en soit au sujet de ces circonstances par lesquelles nous sommes passés, notre Orient reste le lieu où nous sentons que noius sommes dans notre patrie en Orient. En dehors de l’Orient, nous trouverons peut-être l’aisance, le travail, le gain, la dignité, la liberté, mais nous resterons des hôtes, des étrangers, privés d’une grande part de notre personnalité, de notre patrimoine, de nos traditions, de nos valeurs religieuses et familiales.
       Notre mission en Orient est distinguée, unique, mondiale et historique, et personne en dehors de nous ne pourra l’accomplir. Nous sommes les fils des Prophètes, des Apôtres, des Livres Saints, les enfants de Noël. Et chacun de nous est responsable de préserver son histoire, sa croyance, sa religion et son patrimoine.
 
Tu es le fils de l’Orient, terre de Noël
 
       Mon frère chrétien, cette mission est posée sur ton cou. Tu es d’un pays qui est le berceau du christianisme. Cela reste ta mission, même si tu émigres, si tu quittes. Ta patrie et ton christianisme restent ta mission, où que tu sois, où que tu ailles.
 
 
        Pourquoi as-tu peur des difficultés, des crises, des calamités de la vie dans ton pays? Y a-t-il une vie sans douleur, sans maladie, sans crises dans ce monde? Est-ce que ta vie loin de ta patrie, berceau du christianisme, est vraiment moins difficile que ta vie ici, dans ta patrie? Partout ailleurs, il y a des problèmes, des maladies, des crises et toutes sortes de difficultés.
       C’est pour cela, et malgré notre pleine compréhension des raisons de ton projet d’émigration, que nous ne cesserons pas de t’appeler à tenter de rester, à surmonter ta peur, tes appréhensions, les dangers de la guerre, les conditions difficiles de la vie. Partout où tu iras, tu porteras la mission de Noël.
 
Soins portés aux émigrés
 
       Je multiplie mes rencontres avec nos fidèles qui ont émigré, surtout en Allemagne, en Suède, aux Pays-Bas, en Suisse, en Pologne.
       D’un côté, je comprends les raisons de leur émigration; d’autre part, je prie pour que soient raccourcis les jours de guerre, afin qu’ils rentrent dans leurs pays. En outre, je me préoccupe de leur assurer le service pastoral et spirituel, qui est assuré en Suède. Nous avons commencé à fonder une paroisse en Allemagne, confiée aux soins du R.P. Mayyas Abboud. De plus, le Révérendissime Archimandrite Georges Abboud a été chargé par la Conférence Episcopale de parcourir l’Allemagne pour localiser nos fidèles et de préparer un rapport sur cette question, afin de continuer et d’organiser pour eux le service pastoral, spirituel et liturgique. Nous sommes aussi en train d’organiser une paroisse aux Pays-Bas.
       A travers tout cela, nous voulons aider nos fidèles émigrés afin de préserver chez eux la flamme de la foi des Pères, de leurs ancêtres, pour qu’elle reste resplandissante dans leurs cœurs, dans leurs vies, dans leur conduite.
       Nous remercions nos frères les Evêques d’Allemagne, de Suède, des Pays-Bas et d’ailleurs, qui répondent aux différents besoins spirituels de nos fidèles.
 
L’Eglise et l’émigration
 
      L’attitude de l’Eglise et de ses pasteurs vis-à-vis de l’émigration des chrétiens de l’Orient diffère, entre notre Orient et les autres régions, à cause de l’unicité de la présence chrétienne en Orient. L’émigration est certes un droit naturel pour tout homme et partout. Mais l’émigration de l’Orient est une chose différente, car l’Orient est le berceau du christianisme. Le chrétien oriental est l’incarnation de cette présence chrétienne dans le berceau du christianisme. De sorte que l’absence en Orient du chrétien veut direr l’absence du christianisme, ou plutôt l’absence du Christ, car le Christ s’est incarné dans une terre, une géographie et une patrie. Jésus est un citoyen oriental. Il est mon compatriote à moi, l’oriental. Si le chrétien émigre, c’est comme si le Christ émigrait de sa terre et de sa patrie. Si la présence chrétienne disparaît de la patrie du Christ, cela veut dire la disparition de la présence du Christ dans sa propre patrie. On peut alors se poser cette question: si le Christ est vraiment né dans cette région qui est sa patrie, et s’il n’y a plus là un seul citoyen chrétien, et si les traces des adeptes de Jésus ont disparu de sa patrie, on est en droit de conclure que Jésus n’est pas né dans cette région, et que son existence même est un mythe, et non pas une vérité.
 
Les chrétiens sont la preuve de Noël
 
       Les chrétiens orientaux sont la preuve de Noël, de la naissance de Jésus en Orient et les témoins de sa vie, de son Evangile et de sa mission. Nous sommes les petits-fils des Disciples et des Apôtres de Jésus.
       On peut en conclure l’importance de la présence chrétienne dans la patrie de Jésus, en Palestine et dans les régions et patries où est né le christianisme, à savoir la Syrie historique, qui comprend, outre la Syrie actuelle, le Liban, la Palestine, la Jordanie et l’Irak actuels. Ces pays sont le berceau du christianisme, et la disparition du christianisme dans ces pays est la disparition des traces de Jésus.
       D’où le grand souci des pasteurs chrétiens pour la présence chrétienne dans la région. C’est à cause de cela que l’on comprend l’importance du problème de l’émigration des Orientaux, qui est bien différentre de l’émigration d’autres chrétiens dans d’autres régions.
       C’est ce que je voudrais expliquer, en cette fête de Noël, à nos fidèles chrétiens, qui doivent faire face à tant de calamités et de souffrance, ce qui les incite à émigrer. Nous autres pasteurs réalisons toute la gravité de leur tragédie, et nous comprenons les raisons qui les poussent à émigrer. Cependant, nous voulons les inviter à résister et à rester dans leur terre, dans cet Orient qui est le berceau du christianisme et la patrie du Christ.
       C’est la raison de notre position: nous reconnaissons le droit naturel à émigrer pour chaque personne et dans n’importe quel pays. En dehors de l’Orient, un Evêque ne s’inquiète pas de l’émigration de ses fidèles, mais cela est tout à fait différent pour nous, orientaux.
       C’est ce que j’ai voulu clarifier dans cette lettre. Encore une fois, je réalise et je comprends les raisons qui ont poussé et poussent nos fidèles à émigrer, surtout actuellement de Syrie, vers tant d’autres pays. De plus, je respecte la décision de nos fidèles et je déploie les efforts nécessaires pour leur assurer les soins spirituels, pastoraux et sociaux dans les pays de leur émigration.
Nous resterons ici, dans cette terre de Noël
 
       Comme est grande, importante mondialement et historique notre présence ici! Il ne nous est pas demandé de sacrifier notre famille. Mais il faut lutter pour rester ici malgré les dangers, les difficultés et les sacrifices.
       Je prie pour tous ceux qui décident de partir. Mais je les appelle avec grande insistance à rester ici.
       Je resterai, nous resterons, avec ceux qui restent, et le christianisme restera!
       Le reste restera, et Jésus restera à travers ce reste!
       Restez ici afin que restent Jésus, et Marie, et le christianisme, et Noël, notre fête à tous!
 
Considérations de Noël
 
       Je conclus cette lettre avec trois considérations de Noël, qui représentent une carte, un guide de route pour les chrétiens dans notre Orient béni et pour ceux qui ont émigré vers d’autres pays.
 
Première considération
 
       Je l’emprunte à la parole du Pape Saint Jean Paul II qui affirmait que l’essence de l’homme est d’être “avec et pour”. Le chrétien d’Orient est appelé tout spécialement à mettre en pratique cette parole, surtout dans sa patrie d’origine, avec tous ses concitoyens de toutes les composantes de nos pays arabes. Il sera pour eux tous, afin de leur apporter la lumière de l’Evangile par sa présence, son rôle, sa conduite, son style de vie... Le chrétien est avec les autres, afin que Jésus soit avec toute personne.
Deuxième considération
 
       Je l’emprunte à la parole du Saint Père François, adressée aux jeunes du Brésil, leur disant qu’ils ont besoin de deux choses: identité et ouverture. C’est une devise que le chrétien oriental devrait vivre dans sa patrie orientale et partout où il émigre, car il porte l’identité orientale et la vit dans sa société, que ce soit dans sa patrie d’origine ou dans sa nouvelle patrie. Notre identité est Jésus, l’Enfant nouveau-né et le Dieu d’avant les siècles.
 
Troisième considération
 
       Je l’emprunte au fameux adage latin: “Ex Oriente lux”.
       Là où tu vis, là où tu iras, tu resteras le fidèle d’Orient, le fils de l’Eglise d’Orient, Mère de toutes les Eglises. Tu restes le fils de l’Orient d’où vient la lumière. Tu es le fils de l’Orient et porteur de la lumière de l’Orient, dans ta patrie qui est l’Orient et dans toute région hors de l’Orient, dans tout pays qui devient ta nouvelle patrie. Car de l’Orient vient le Christ, Lumière du monde entier.
       N’oublie jamais cette qualité extraordinaire et unique: fils de l’Orient! Noblesse oblige!
 
Souhaits et prière
 
       Ma lettre de Noël pour cette année est une pause de méditation devant la grotte de Noël et devant chaque grotte installée dans nos maisons et dans nos rues. C’est une pause à la fois triste, souffrante, et en même temps joyeuse. C’est une pause de méditation devant la grotte et sous la Croix, avec tous nos concitoyens, et une pause d’espérance, car la Résurrection est ce qui vient après la Croix.
       C’est une prière afin que la paix de Noël couvre nos pays souffrants, surtout en Palestine, en Irak et plus spécialement dans notre Syrie bien-aimée. Je ne cesse de répéter mon slogan: donnez-nous la paix et la sécurité, car c’est la garantie et la condition pour la résistance du chrétien, sa présence, son rôle et son témoignage. Nous demandons au Sauveur, qui est né en Palestine, qu’Il donne la paix à son pays et fasse cesser la guerre dans ces pays où sont nés les chrétiens qui croient en son Nom et où est né le christianisme.
       Que se réalise pour nous, les chrétiens d’Orient et d’Occident, et à travers nous, le chant des anges de Beth Sahour et de Bethléem dans la nuit de Noël, de la Nativité de Jésus: “Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’Il aime!”
       A vous tous, je souhaite un glorieux Noël et une sainte année, une année de paix, de sécurité et de prospérité.
 
 
                                     + Gregorios III
                                      Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient,
                                      d’Alexandrie et de Jérusalem